Un vent brumeux s'était définitivement levé sur la forêt interdite, et s'avançait vers le château. Le jour déclinait et le froid qui s'était installé plus tôt n'avait fait que s'amplifier. Nous étions jeudi soir et les élèves fatigués par la semaine de cours s'en allaient bouder dans les dortoirs chauffés par des elfes de maison dévoués et soumis. Le repas venait de se terminer et l'on pouvait encore croiser des quantités de personnes dans le couloir. Mily n'avait jamais pris pour habitude de fuir la foule. Si elle pouvait bien aimer quelque chose en ce bas monde, c'était le fait de sentir des regards terrifiés se poser sur lui. Déambulante dans les couloirs, elle avait instantanément pris la direction de la tour d'astronomie, poussé par un pressentiment prémonitoire.
Bien nombreux étaient les gens qui ignoraient tout des pouvoirs de Mily. Après avoir passé des années à voyager, la mage noir s'était établi en Angleterre croyant pouvoir trouver là la stabilité suffisante à son évolution. Elle s'était trompé, et son échec ne l'avait que rendue plus fort. Possédant à présent tout ce qu'une Lord pouvait désirer, elle était trop puissante pour se permettre des fantaisies. Allait-elle donc se fier à une stupide envie de monter sur les toits pour le pur plaisir de sentir le froid lui mordre la peau ? Bien-sûr que non. Avec les années, elle avait appris à faire confiance à son instinct. Instinct qui l'avait rarement mené à sa perte.
Ses pas assurés eurent bien vite fait de la mener au pied des escaliers. Arrivé là, cependant, elle ne se mit pas banalement à monter les marches. Elle s'en détourna pour ouvrir une minuscule porte, presque invisible. L'intérieur était d'un noir d'encre, et Mily fut contraint de sortir sa baguette, qu'elle alluma d'une étrange lumière bleutée, très loin de l'habituel "Lumos" de ses élèves. Cette porte-ci ouvrait aussi sur un escalier, et Mily l'empreinta avec l'aisance de l'habitude. Il avait déjà fréquenté cet endroit, plus jeune. Et cela se voyait. Elle finit par déboucher dans une sorte de petite pièce, jonchée d'objet divers et variés. Sans un regard pour le tas de débris poussiéreux, elle s'approcha de l'unique fenêtre et l'ouvrit d'un coup de baguette.
Le vent s'engouffra dans la pièce dans une mélodie brusque. La cape de Mily virevolta, et celui-ci enjamba le rebord de la fenêtre. N'importe qui, à cet instant, se serait dit qu'elle allait sauter et mourir ensuite. Sauf que n'importe qui n'aurait pas vu la légère bordure le long du toit. Habilement, presque étrangement pour son âge, Mily se hissa sur la bordure. Là, elle laissa la fenêtre ouverte et grimpa sur le toit, s'accrochant à des prises bien précises. En un rien de temps, elle fut en haut, tranquillement installé.
Face à elle, le soleil s'endormait, allant éclairer d'autres cieux. Sa cape entièrement enroulée autour de son corps, Mily contemplait le spectacle sinistre qu’offraient la forêt interdite et le lac sous la pluie. Quelques remous s'agitaient à la surface. Mais l'homme avait passé depuis longtemps le mythe du Calamar Géant. Il savait presque exactement ce qui hantait ces eaux troubles. Un bruit se fit entendre à l'étage du dessous, mais Mily ne remua même pas. Le froid et la n'y était pour rien; elle était l'une des rares personnes à l'apprécier. Soudain elle remarqua a côté d’elle un Delta qu’elle a reconnu à son uniforme et à son insigne de préfet en chef. Mily n’aimait pas trop les Deltas, néanmoins elle lui dit :
Que fais-tu là ?
Puis elle attendit la réponse.